Journalisme UQAM 2005
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 Le journalisme à la pige

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paslap

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MessageSujet: Le journalisme à la pige   Le journalisme à la pige EmptyLun 15 Jan - 14:34

Je ne suis pas étudiant à l'UQAM, mais votre modérateur m'a autorisé à m'inscrire. Je suis l'un des auteurs du livre "Les nouveaux journalistes: le guide", dont vous parliez ici, en novembre dernier.

J'ai trouvé vos échanges très instructifs, d'abord parce qu'ils me rappellent pourquoi j'ai jugé important d'écrire ce guide à l'intention des (futurs) journalistes pigistes : pour que les jeunes journalistes comme vous soient mieux informés sur la réalité qui les attend. J'ai constaté depuis longtemps, à côtoyer quantité de débutants, que la majorité de ceux qui sortent des écoles de journalisme n'ont jamais entendu parler de la pige, ou si peu, et ils ont encore pour seule et unique vision du journalisme:
- le métier qui se pratique dans les grandes salles de rédaction;
- le journaliste qui, chaque matin, part à la chasse au scoop;
- celui dont le travail se résume à couvrir un événement en avant-midi pour en compléter un reportage en après-midi;
- et le Tintin qui parcourt la planète.

Or, le gros du journalisme aujourd'hui, ce n'est pas ça. Aucun journaliste de magazine n'a en effet que quelques courtes heures pour pondre son reportage. Et quant aux journalistes-recherchistes des émissions d'affaires publiques de la télé, ils travaillent souvent sur des dossiers qui feront 5 minutes, 10 minutes, voire une demi-heure, et non une minute et quart comme au téléjournal.

En conséquence, lorsque vous jugez un journaliste sur les titres des magazines auxquels il a collaboré, vous commettez une erreur d'appréciation : en 2007, il serait absurde de croire que les journalistes des quotidiens ou des téléjournaux sont d'une « qualité » supérieure à ceux des magazines. Et en 2007, hélas, il serait absurde de croire qu'il faut absolument partir en Saskatchewan ou en Gaspésie pour faire carrière en journalisme; c'était vrai il y a 30 ans; ça ne l'est plus aujourd'hui (même si on peut toujours citer une poignée de journalistes radio-canadiens de moins de 35 ans qui sont passés par cette école).

Il est dommage qu'en 2007, on puisse encore compléter une formation universitaire en journalisme et avoir une vision aussi déformée de la réalité. Certes, aucun prof ne dira qu'un journaliste de magazine est « moins bon » qu'un journaliste du Devoir. Mais en ne parlant toujours, exclusivement, uniquement, que du journalisme « de salle de rédaction », en ne proposant comme exercices pratiques que la couverture d'événements « à chaud », en n'invitant comme conférenciers que des vedettes de la télé ou des quotidiens, on contribue à créer ce miroir déformant, dont vos interventions sont, bien involontairement, le témoignage.

Voilà pourquoi j'ai cru que la publication d'un guide sur les pigistes, ou les « précaires », ceux que ma co-auteure et moi avons appelés « les nouveaux journalistes », voilà pourquoi, donc, j'ai pensé que cette publication était devenue plus qu'urgente, aujourd'hui.

Pascal Lapointe, journaliste et auteur de Les Nouveaux journalistes: le guide.
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Catherine Depelteau
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MessageSujet: Re: Le journalisme à la pige   Le journalisme à la pige EmptyLun 15 Jan - 15:11

Malgré que vos intentions soient bonnes et louables et que nos cours ne soient effectivement pas un si bon indicateur du métier (ni un si bon moyen de l'apprendre), je crois que nous sommes en mesure de faire des recherches et de nous renseigner sur un sujet avant d'en juger. Nous sommes capables de sens critique et ne faisons pas que croire et assimiler ce que l'on nous dit dans nos cours ou ailleurs.

Je ne crois pas non plus que nous voyons le métier de journaliste tel que vous croyez qu'on le perçoit. Ne pas confondre le programme d'études et ses visées avec ses étudiants et les leurs, ni l'image exagérée que l'on dresse parfois des journalistes avec celle que nous en avons réellement.

Et puis même si je suis la première à faire des tas de reproches au programme de journalisme, nous ne faisons que uniquement des exercices de reportages à chaud ni ne recevons seulement des journalistes connnus provenant de grands quotidiens. Et même si nous en avons rencontrés quelques-uns, leur point de vue sur le métier qu'ils exercent ainsi que sur les tendances actuelles en journalisme est aussi instructif que le point de vue d'un journaliste de magazine qui travaille à l'ombre et qui nous parlera d'autres choses. Comme pour tout le reste, nous en prenons et nous en laissons.

Bref, il sera intéressant de connaître un point de vue supplémentaire sur le journalisme à la lumière de la lecture du livre que vous nous proposez, mais sachez tout de même que la vision que nous en avons déjà n'est pas, à mon avis, aussi déformée que vous le croyez.

Il ne faut pas non plus négliger la grande teneur en sarcasme, ironie ou autre forme d'humour de ce forum et des propos qui s'y retrouvent. Enfin, j'imagine que c'est suffisamment transparent.
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Cynthia
Cynthia Laflamme
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MessageSujet: Re: Le journalisme à la pige   Le journalisme à la pige EmptyLun 15 Jan - 23:29

Je crois que si nous avons été pris en journalisme, c'est que nous sommes conscient des difficultés de l'emploi... et de bien d'autres facteurs. Nous savons que nous ne ferons pas du 9 à 5, que nous n'auront pas une garantie d'emploi immédiatement. Je crois que nous étions conscient du journalisme à la pige et que nous aurions peut-être à commencer notre carrière ainsi, et que se ne serait pas facile.

Antoine Char nous a touché quelques mots sur la pige et ça rassure quand même parce que nous en savons davantage et que nous savons à quoi nous attendre. Votre livre est d'ailleurs d'un bon aide si jamais nous faisons du journalisme à la pige. Merci!

Ne vous inquiétez pas, nous ne sommes pas aveugle face à l'avenir.
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Mingus
Mathieu Charlebois
Mingus


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MessageSujet: Re: Le journalisme à la pige   Le journalisme à la pige EmptyMar 16 Jan - 0:01

paslap a écrit:
ils ont encore pour seule et unique vision du journalisme:
- le métier qui se pratique dans les grandes salles de rédaction;
- le journaliste qui, chaque matin, part à la chasse au scoop;
- celui dont le travail se résume à couvrir un événement en avant-midi pour en compléter un reportage en après-midi;
- et le Tintin qui parcourt la planète.

Vous avez oublié plusieurs autres visons du journalisme, très populaires dans notre groupe:
- Le journaliste qui, chaque matin, va faire un voxpop épais dans la rue parce qu'on lui a demandé
- Le journaliste qui pond en 2 heures un article dont il n'est pas vraiment content mais qu'il n'a pas le choix de laisser aller
- Le journaliste qui passe sa journée à parler sur une chaine continue "Ouais, je suis toujours sur place et il ne passe rien, laissez-moi vous en parler"
- et le Tintin qui parcourt la planète et se fait soit kidnapper, soit mettre en prison soit juste descendre. (Parlant Tintin...)

Bref, le cynisme est à son comble, mais on s'amuse quand même pas mal.

Je crois pour ma part que la plupart d'entre nous veulent faire du magazine et de longs reportages, mais ne le savent pas encore. On croirait parfois que le Bacc est construit pour que l'on pense que hors de la salle de nouvelle, point de salut.

Beaucoup d'étudiants se sont déprimés de la première année parce qu'on ne faisait qu'écrire et écrire et ils ne se voyaient pas dans une salle de presse. Et à la deuxième année... tiens, de la radio, de la télé... il existe autre chose? wow.

Il reste maintenant à apprendre à faire autre chose que des articles de 100 mots et des trucs sur du frais sorti du four de l'actualité....

Contrairement à ce que tu dis Cat, j'ai souvent l'impression que le "brainwash" (permettez l'exagération) du bacc fonctionne trop souvent et que beaucoup se questionnent sur leur envie de faire le métier, tout simplement parce qu'ils ne voient pas l'immensité des champs qui s'ouvrent à eux avec un diplôme en journalisme. C'est bien dommage.
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Joseph
Joseph Elfassi
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MessageSujet: Re: Le journalisme à la pige   Le journalisme à la pige EmptyMar 16 Jan - 14:52

L'image qu'on donne du journalisme dans le bacc en est une où le temps est un luxe qu'aucun journaliste n'a.

Aussi, j'ai l'impression qu'il faut déjà savoir faire le métier pour commencer à le pratiquer, c'est à dire que l'idée de se roder, de faire des erreurs, d'apprendre sur le tas doit se faire discrètement ou tout simplement pas parce que le conglomérat qui t'emploie va vite te remplacer par queqlu'un de plus rapide et présentable qui aura les mêmes défis que toi, tout en essayant d'éviter le piège des relationnistes qui sont bien plus nombreux que nous.

Ah oui, et y a pas de place.
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paslap

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MessageSujet: Re: Le journalisme à la pige   Le journalisme à la pige EmptyMer 17 Jan - 20:41

Je n’ai évidemment jamais mis en doute le fait que vous soyez capable de faire des recherches pour découvrir ce qu'est le journalisme à la pige. Mais avec le journalisme à la pige, il y a une difficulté supplémentaire : en terme de couverture, c’est le désert. Notre livre est le premier guide sur le sujet depuis 16 ans (en comparaison, combien de livres sur le journalisme international ont été publiés depuis 16 ans!); le magazine "Le 30" semble considérer que la pige est un sujet mineur, au même titre que les blogues ou les hebdos gaspésiens. Résultat, ce n’est pas un apprentissage facile.

Autre résultat de ce semi-silence, une confusion : la pige serait ce qu’on fait « en attendant » la vraie job. Ce qu’on ferait quand on commence notre carrière, comme l’écrit Cynthia. Hélas, c’est faux.

Il faut bien comprendre que par « pige », je ne désigne pas seulement le travail de ceux qui sont payés "à l’article". Peu de journalistes dits « pigistes » ne vivent que de magazines. Si vous préférez, employons plutôt le mot précarité. Un pigiste-précaire typique peut, par exemple, faire quelques articles d’affilée pendant quelques mois pour une revue spécialisée, puis effectuer un contrat de 4 mois pour une émission d’affaires publiques diffusée à Radio-Canada ou Télé-Québec, puis être 3 mois au chômage, puis se faire rappeler par le réalisateur de l’émission qui est sur un autre projet et a besoin de quelqu’un pendant 2 semaines pour une recherche urgente, puis faire quelques autres articles pour un magazine grand public, etc.

Point commun à tous ces contrats: la précarité. Vous ne savez pas à l’avance combien d’argent vous gagnerez à la fin de l’année. En contrepartie, vous pouvez vous retrouver dans des recherches de longue haleine (surtout avec certains magazines et des émissions documentaires) qui n’ont aucun équivalent, pour la profondeur de la recherche, avec les articles de journaux ou les reportages des bulletins de nouvelles. C'est passionnant.

Bien des journalistes ne vivent que de ce type de contrats depuis 5 ans, 10 ans, 15 ans. Ils ne font pas ça « en attendant » une job régulière, en fait, certains ne voudraient pas d’une job régulière —même si ce serait indéniablement plus payant et plus sécurisant.

Pascal Lapointe
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